Entretien avec Fatou Kiné Niang, marraine de quartier à Dakar, en charge de la planification familiale

Article : Entretien avec Fatou Kiné Niang, marraine de quartier à Dakar, en charge de la planification familiale
Crédit: Iwaria
30 septembre 2022

Entretien avec Fatou Kiné Niang, marraine de quartier à Dakar, en charge de la planification familiale

Crédit : Iwaria

« Il y a des hommes qui ne veulent toujours pas que leur femme fasse la planification familiale ».

Quinquagénaire, Fatou Kiné NIANG est la « bajenu gox » (« marraine de quartier » en wolof) de la commune de Patte d’oie, un quartier de Dakar. Elle est l’une des femmes établies dans tous les quartiers de Dakar, pour promouvoir la santé de la mère et de l’enfant ainsi que la planification familiale. Entretien.

En quoi consiste votre travail en tant que marraine de quartier?

Mon travail en tant que marraine de quartier consiste à faire des porte-à-porte pour parler avec les familles afin de m’enquérir de leur situation. Il s’agit aussi de voir si les femmes respectent les dates de vaccination de leurs enfants. Si elles sont enceintes, il s’agira de voir si elles partent régulièrement en consultation prénatale. Et là je leur demande comment elles ont été reçues. Il faut aussi préciser que, de temps à autres, nous faisons des porte-à-porte pour voir si les personnes âgées ne sont pas dominées par le stress de la vieillesse, ou encore, de parler à la femme qui à des problèmes dans son ménage. L’éventail des questions abordées est donc large, il s’agit toujours de veiller au bien être moral et physique des personnes.

Quelle place occupe la planification familiale dans votre rôle de marraine de quartier?

La planification familiale fait partie intégrante de notre travail. Nous faisons des porte-à-porte pour sensibiliser les femmes, ce depuis leur grossesse.

Donc les femmes ne vous sollicitent pas pour avoir des réponses sur la planification familiale?

Vous savez les femmes ne nous sollicitent pas pour cela… En effet il y a des femmes qui ont la paresse même d’aller faire vacciner leur bébé, pour ainsi se faire sensibiliser sur la planification familiale. De ce fait, nous ne les attendons pas, c’est donc à nous d’aller vers les gens. Nous allons vers elles pour leur dire que juste après l’accouchement elles doivent aller faire la planification familiale, sinon elles risquent de retomber enceinte sans qu’il y ait un espacement entre les deux naissances. Et cette absence d’espacement n’est pas bon pour leur santé (NDLR : les grossesses rapprochées entraînent des risques de carences et de prématurité). C’est pourquoi de la grossesse jusqu’à la naissance nous les accompagnons pour qu’au final elles acceptent de faire la planification familiale. Il nous arrive même de les accompagner et de les assister le jour de l’accouchement pour qu’ensuite elles acceptent d’espacer la naissance de leurs bébés, car cela peut avoir des conséquences sur leur santé ainsi que sur celle de leur enfant. Toutefois, Il y a des hommes qui ne veulent toujours pas que leur femme fasse la planification familiale. Nous parlons à la femme si nous sommes confrontés à ce genre de situation. Car il s’agit de son corps, de sa santé, de son bien être.

Aujourd’hui avez-vous réellement senti l’importance de la planification familiale?

Bien sûr! Vous savez, avant que la planification familiale existe, il y avait le non espacement des naissances. Aujourd’hui ce n’est plus un fait, il est après nous. Le non espacement des naissances est clos chez nous maintenant (SIC). Je ne vois plus de personnes qui rapproche la naissance de ses bébés dans ma commune. En tout cas, s’il y en a encore, c’est rare, je le vois rarement. Maintenant avec la planification familiale, les femmes sont informées, elles comprennent le bien fondé d’espacer les naissances, les femmes prennent donc leurs précautions, pour leur santé et pour la santé de leur bébés.

L’Etat, qui a mis sur pied le programme « bajenu gox » pour parrainer les quartiers, vous aide-t-il ?

Non, l’Etat ne fait rien pour les marraines de quartier. Il devrait mieux nous outiller, et nous donner des moyens, car, aider les femmes nécessite des moyens… En assistant des femmes, il nous arrive de donner nos propres moyens pour la prise en charge. Cela nous arrive fréquemment. Il nous arrive même de faire du social car parfois une femme peut frapper à la porte de ma maison pour me dire que son enfant est malade. Et toutes ces dépenses, je les fais moi-même, ce sont mes propres moyens.

Ce programme « Bajenu gox », mis en place en 2015, vise à transmettre les savoirs en matière de santé maternelle et infantile. En contribuant à l’autonomisation des femmes et à l’accès aux services de santé dans les différentes communautés, les bajenu gox sont devenues de véritables gardiennes de la santé au Sénégal. Elles ont depuis gagné en respect et en importance en tant que réelles agents de changement.

                                                          Madia DIOP

Étiquettes
Partagez

Commentaires